CHAPITRE VIII

Sommaire

Le marquis de Simiane. - Le comte de Sabran. - François-Jules Duvaucel. - Jules-Nicolas Duvaucel. - Binet de Boisgiroult.- Bidé de La Grandville. - Louis-Jacques Baron.

Athénaïse Choderlot de La Clos, veuve du marquis de Péry, conserva la seigneurie de La Norville en sa possession jusqu'au mois de juillet 1729. Le 7 de ce mois, du consentement de ses deux filles, elle vendit cette terre au marquis de Simiane pour la somme de 190,000 livres de prix principal et 1,000 livres d'épingles.

François-Antoine, marquis de Simiane-d'Esparron, qui devint ainsi seigneur de La Norville, était alors chevalier des ordres de Louis XV, premier gentilhomme de Son Altesse Royale le duc d'Orléans, régent du royaume et brigadier des armées. Né en 1674, il avait d'abord servi comme garde marine, puis comme enseigne de vaisseau. Lieutenant au régiment du roi, il avait fait en cette qualité la campagne de Flandre, en 1696 et en 1697. Il était au camp de Compiègne en 1698. Passé au service des Hollandais en 1701, il avait obtenu dans ce pays, le 7 février 1702, une compagnie dans le régiment Wallon de Nassau et un régiment Wallon de son nom, le 20 mai 1705. Rentré en France à la paix, il avait été créé brigadier par brevet du 1er février 1719. Ce titre fut pour le marquis de Simiane purement honorifique; jamais il ne servit en cette qualité. Il eut à peine en sa possession la seigneurie de La Norville pendant une année. Le 3 octobre 1730, il la céda pour la somme de 190,000 livres et mourut quelque temps après, le 1er décembre 1734, à l'âge de soixante ans.

Messire Honoré, comte de Sabran, des comtes de Forcalquier, grand sénéchal pour le roi de la ville de Toulon, premier chambellan de feu Son Altesse Royale le duc d'Orléans, régent du royaume, et dame Louise-Charlotte de Foix-Rabat, son épouse, succédèrent au marquis de Simiane. Ils prirent possession de leur domaine à La Norville dans les premiers jours de décembre en l'année 1730 et s'y fixèrent jusque vers 1732. A cette époque, ils s'installèrent à Paris, sur la paroisse Saint-Sulpice, et on ne les vit plus que rarement dans leur seigneurie. Le 26 juin 1737, ils s'en défirent au profit de François-Jules Duvaucel, écuyer, conseiller secrétaire du roi maison-couronne de France et de ses finances, fermier général.

Deux événements quelque peu considérables avaient marqué le passage du comte Sabran à La Norville. En 1732, il obtint de la Chancellerie du Palais des lettres à terrier à la suite desquelles il ordonna le dénombrement de ses vassaux. En 1737, le 18 février, il fit célébrer dans l'église de cette paroisse le mariage de sa fille, demoiselle Louise-Delphine de Sabran, avec Charles-Michel Anne, comte d'Arcussia, dans des conditions particulières de nature à montrer qu'on voulait éviter toute sorte d'éclat autour de cette union. Pour la contracter, les futurs durent obtenir plusieurs dispenses et autorisations : dispense de la publication de deux bans accordée par Mgr l'archevêque de Paris, dispense pour défaut de domicile accordée au futur, dispense pour célébrer le même jour les fiançailles et le mariage, dispense pour célébrer le mariage de grand matin, commission de messire Languet de Gergy, curé de Saint-Sulpice, au curé de La Norville, l'autorisant à célébrer le mariage, les futurs n'ayant pas de domicile dans sa paroisse. Les époux, mariés ainsi à la hâte, de grand matin, loin de Paris, ne furent cependant pas unis clandestinement. Avec le curé de La Norville furent témoins du mariage Charles Michel, marquis d'Arcussia, père de l'époux, qui se porta fort du consentement de Madeleine de l'Isle, son épouse, absente; le comte et la comtesse de Sabran; Louis-René-Edouard Colbert, comte de Mauleuvrier, brigadier des armées du roi, colonel du régiment de Richemond; Jean-Louis-François du Rieux, comte de Fargis, ancien capitaine des chevau-légers de la reine, amis de l'époux; Elséard-Gaston-Louis-Marie de Sabran, marquis de Foix, frère de l'épouse; Gaspard, marquis de Sabran, maître de camp de cavalerie, son oncle(1).

François-Jules Duvaucel acheta le seigneurie de La Norville pour la somme de 200,000 livres; mais à peine cette vente était-elle consentie que trente-sept créanciers du comte de Sabran, ou soi-disant tels vinrent mettre opposition à la délivrance du prix d'achat. Par sentence des requêtes, vingt-sept de ces créanciers furent déboutés de leur demande. Dix seulement furent admis à faire valoir leur droit. Du consentement du comte de Sabran, 4,725 livres furent adjugées à Charles-Emmanuel Baret, avocat au Parlement; 40,518 livres à Edme champagne et à Jean de Velly, bourgeois de Paris; 3 livres à Jeanne du Sausse, veuve de Jean-Baptiste Darras; 8 livres 16 sols 8 deniers aux prieur et religieux de Saint-Germain des Près, seigneurs d'Avrainville, pour arrérages de cens; 5,000 livres au comte d'Arcussia, dues par contrat de mariage; 120 livres à Toussaint Millin, prêtre, docteur en théologie, chapelain de La Norville, pour deux années de rente; 1,600 livres à Thérèse Douère et 762 livres à un sieur Pineau, en tout : 67,736 livres 16 sols 8 deniers, non compris une somme inconnue payée aux sieurs Gaultier et Dupré, marchands de soie à Paris.

François-Jules Duvaucel, en possession des immenses ressources que procurait alors la charge de fermier-général, se trouva bientôt à l'étroit dans ses propriétés de La Norville, cependant assez considérables. Le 10 septembre 1738, Nicolas Pascal Petit, chevalier, seigneur de Bois-d'Aunay, Drassy et autres lieux, ancien gentilhomme ordinaire du roi, et Marie-Marthe Manssion, son épouse, ayant mis en vente leur propriété de La Gallanderie et ses dépendances, le seigneur de La Norville s'en rendit acquéreur pour la somme de 150,000 livres. Cette propriété, qui constitua un titre seigneurial, était composée d'une maison bourgeoise et d'une ferme situées à l'extrémité de la garenne actuelle, aux confins du territoire de La Norville et de La Bretonnière; d'un parc clos de murs y attenant, d'une contenance de 55 arpents; d'une avenue et plan d'ormes s'étendant devant la porte de la maison et devant celle de la ferme; du fief de Marivatz à Arpajon; du fief des Carneaux à La Norville; d'une maison située dans la rue de Clos à Arpajon; de 200 arpents de terres labourables, en plusieurs pièces, aux territoires de La Norville, de La Bretonnière, de Marolles, d'Avrainville, de Guibeville et des environs; de 17 arpents de pré; de 2 arpents de vigne; de 10 arpents de bois; du moulin Serpier; du moulin de Falaise; du moulin de la Boisselle ou de Franchereau, et de 617 livres 2 sols 7 deniers de rentes sur particuliers.

Cette seigneurie n'avait pas toujours été aussi considérable et avait eu des commencements assez modestes. Elle n'existait pas avant les premières années du XVIIe siècle. Vers 1623, Auguste Galland, conseiller du roi en son conseil d'Etat et en son conseil privé, procureur général du domaine royal de Navarre, acheta 4 arpents 12 perches de terre, en quatre pièces, à un nommé Lecomte, procureur au Châtelet. Sur ces terres il fit bâtir une maison; un jardin y attenait. Du nom de son propriétaire cette maison fut appelée la Gallanderie. Par des acquisitions successives, le jardin fut agrandi. Une ferme fut bâtie et un parc fut formé de l'autre côté du chemin qui, venant de Saint-Germain, coupait alors celui de La Norville à La Bretonnière pour rejoindre dans la plaine le sentier de Guibeville. Ce parc touchait au Rossay dont il n'était séparé que par un mur. Le fief des Carneaux fut réuni à La Gallanderie, le 1er mai 1625, par le don qu'en fit à Auguste Galland Louis Potier, marquis de Gèvres, conseiller d'Etat.

Ces domaines passèrent en 1643 à Thomas Galland, puis, en 1666, à Pierre Musnier, huissier ordinaire du roi. Le 26 juillet 1670, ils furent achetés par Pierre Girardin, conseiller du roi et, le 18 mars 1676, par Nicolas Petit, valet de chambre de Louis XIV. Celui-ci, en 1682, acquit la seigneurie de Marivatz de concert avec Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, seigneur de La Norville, et, en 1700, la ferme de Mondonville qui fut démolie par ses héritiers. En 1693, d'après le consentement des assemblées paroissiales de La Norville et de Saint-Germain, Nicolas Petit avait supprimé le chemin qui passait entre sa maison et son parc et l'avait reporté à l'extrémité du Rossay d'où il fut encore détourné par le seigneur de La Norville, au commencement de ce siècle.

C'est ce domaine ainsi considérablement augmenté et amélioré que François Jules Duvaucel acquit en 1738. Peu de temps après son acquisition, il fit démolir la maison et la ferme, mais il ne put jouir longtemps de ces propriétés. Il mourut au commencement de l'année 1739.

De son mariage avec Renée Taboureau, il avait eu trois fils : Jules-Nicolas, écuyer, qui fut trésorier général des aumônes et offrandes du roi; Louis-Jules, écuyer, qui devint seigneur du Thul et d'Evecquememont; Louis-François, écuyer, qui devint maître d'hôtel ordinaire de Louis XV et grand-maître des eaux et forêts de la généralité de Paris. Par acte du 9 décembre 1739, les frères Duvaucel abandonnèrent à leur aîné tous les droits qu'ils avaient sur la terre de La Norville et ses dépendances. Celui-ci devint ainsi maître d'un domaine considérable mais il ne sut pas administrer.

A son entrée en jouissance, Jules-Nicolas Duvaucel trouva le château de La Norville tel que Josias Mercier l'avait fait construire vers 1610. La maison du fervent huguenot était trop simple pour les goûts d'un jeune seigneur élevé à la cour de Louis XV. Le trésorier général des aumônes et offrandes du roi résolut de faire à sa propriété de notables changements. Il commença par abattre les deux pavillons aux angles de la cour d'honneur entourée de fossés et les fit reporter à chaque extrémité du corps principal du logis. La couverture en tuiles disparut et fut remplacée par une couverture d'ardoises; des mansardes furent construites à la place des immenses greniers; on démolit le mur qui s'étendait le long de la grande rue de La Norville, une grille en fer le remplaça.

Le château se trouvant ainsi dégagé, n'avait de vue que sur quelques maisons du village. Jules-Nicolas Duvaucel voulut de plus vastes horizons. Il acheta une douzaine de maisons bâties entre la rue de La Norville et le chemin de Leudeville, en échangea quelques autres établies au même endroit pour les logements qu'il fit construire dans la ferme achetée autrefois à Pierre Boutet par Jean-Baptiste Choderlot de La Clos, auprès du chemin Pasquot. Ces maisons furent abattues, et sur leur emplacement, plusieurs allées d'ormes et de tilleuls, quelques bouquets d'arbres garnirent un espace libre, appelé depuis la Pâture, qui s'étendait de la grille du château à la garenne du Rossay. Le parc de cent arpents autour de la demeure seigneuriale fut enclos de murs. Dessiné par Le Nôtre dans le goût de l'époque, il était coupé d'allées nombreuses bordées d'orangers, agrémenté de pièces d'eau et de bosquets de différentes formes. L'un d'entre eux entouré d'une grille formait une salle de spectacle au milieu de laquelle était un bassin de marbre. Un appartement de bains composé d'un péristyle, d'une chambre à coucher, de la salle du bain, d'une étuve, d'un four et d'un petit jardin, une volière, un beau lavoir, montraient que le maître de cette demeure maintenant somptueuse n'avait pas négligé d'unir l'utile à l'agréable dans l'exécution de ses plans. A côté du pressoir, un potager de sept ou huit arpents avec serre et bassins fut composé de plusieurs pièces de terre et enclos de murs. Le domaine s'agrandit de toutes parts; 55 arpents de terres achetés en différents champtiers vinrent s'ajouter à ce que le seigneur de La Norville possédait déjà.

Jules-Nicolas Duvaucel, comme quelques-uns de ses prédécesseurs, en plusieurs circonstances se montra généreux, mais seul il imposa aux habitants de sa seigneurie, pour prix de sa générosité, des redevances qui rappelaient par plus d'un côté des usages depuis longtemps déjà tombés en désuétude. Aux héritiers Dif, il remit une somme de 210 livres, mais à la condition que chaque année eux, puis leurs descendants, apporteraient au château de La Norville, le jour de la Saint-Martin d'hiver, un petit cochon de lait bon, loyal et marchand. A Jacques Bedeau, poursuivi en 1740 à la requête d'un sieur Allain, commissaire au châtelet, pour cinq années d'arrérages d'une rente de douze livres, Jules-Nicolas Duvaucel donna la somme nécessaire pour payer sa dette, plus douze livres d'épingles à Marthe Prunier, sa femme, mais à condition que les époux s'engageraient, eux et leurs successeurs, à porter au seigneur de La Norville, chaque année le 15 juillet, sur les deux ou trois heures de l'après-midi, étant montés sur un cheval blanc, une ou deux livres de cerises dans deux paniers. Tous les ans, on vit cette cavalcade s'avancer gravement vers le château au milieu des acclamations du village. Au commencement de ce siècle, les descendants de Jacques Bedeau et de Marthe Prunier portaient encore au seigneur de La Norville, sans étouffer de rire sur leur cheval blanc, leur livre de cerises disséminées dans deux immenses paniers.

Les dépenses exagérées que Jules-Nicolas Duvaucel fit pour embellir et augmenter sa propriété, la mauvaise gestion de ses affaires, la part qu'il prit dans la fondation d'une société maritime au Havre le conduisirent à la ruine. Marié le 16 mai 1736 à Marie-Angélique Sézille, fille de Nicolas Sézille, écuyer, trésorier général des offrandes, aumônes et bonnes œuvres du roi et de Angélique-Elisabeth Beaudot de Morlet, il avait, au mois de juillet 1737, acheté la charge de son beau-père. Il n'entra en fonctions qu'au mois de février 1746, après la mort de Nicolas Sézille. Douze ans plus tard, il était redevable à son frère Louis-François Duvaucel, chevalier, conseiller du roi, grand-maître enquêteur et général réformateur des eaux et forêts de France au département de Paris, d'une somme de 200,000 livres payées en son acquit pour les dépenses non soldées de sa commission de dispensateur des offrandes royales. Séparé de biens avec son épouse, par sentence du Châtelet rendue le 23 janvier 1756, chargé de près de 800,000 livres de dettes,  il fut obligé de vendre la terre de La Norville le 8 janvier 1759, et un mois plus tard, le 13 février, sa charge de trésorier des aumônes et offrandes du roi. Son frère, Louis-François Duvaucel prit cette charge pour la somme de 318,000 livres et la céda, le 17 août suivant, pour la même somme, à Jacques-Joseph Lenoir, écuyer. La terre de La Norville et les meubles du château furent achetés pour la somme de 460,000 livres par Louis-René Binet de Boisgiroult, chevalier de Saint-Louis, maître de camp de cavalerie, conseiller secrétaire du roi maison-couronne de France et de ses finances, premier valet de chambre du Dauphin et contrôleur général de la maison de Mme la Dauphine. Ces différentes sommes purent à peine satisfaire les créanciers les plus exigeants, représenter la dot de Marie-Angélique Sézille et constituer une rente viagère à Catherine Duvaucel, fille unique de l'ancien seigneur de La Norville.

Avec le château et son parc de cent arpents, le petit château, la basse-cour, le potager, six fiefs servants, cinq fiefs annexés, 1,959 livres de rentes sur particuliers, les droits de haute, moyenne et basse justice et quelques autres droits seigneuriaux, Louis-René Binet de Boisgiroult et Anne-Hippolyte Dufour, son épouse, première femme de chambre de Mme la Dauphine, possédèrent, après Jules-Nicolas Duvaucel, un domaine composé de 240 arpents de terres labourables, 20 arpents de pré, 65 arpents de bois, 2 arpents et demi de vigne au territoire de La Norville, d'un arpent 25 perches de terre au territoire de Cheptainville; de 2 arpents de pré au territoire de Leuville, d'un demi-arpent de pré au territoire d'Arpajon; de 88 perches de terre à La Roche; de 6 perches de jardin à Avrainville; de 6 arpents de pré à Breuillet; de 24 arpents et demi de terres louées à un seul fermier sur les territoires d'Avrainville, d'Egly et de Villouvette; des biens de La Gallanderie et dépendances qui constituaient en la place de la maison et ferme, en 55 arpents environ clos de murs, en une avenue et plan d'ormes, en 200 arpents de terre sur différentes paroisses, 17 arpents de pré à La Norville et à La Bretonnière, 2 arpents de vignes à La Norville et 10 arpents de bois taillis. Le moulin Serpier, le moulin de Saint-Germain, le moulin de La Boisselle et leurs dépendances faisaient encore partie de ces biens.

En devenant la propriété de Louis-René Binet de Boisgiroult, la seigneurie de La Norville tombait, encore en des mains peu fortunées. Le nouveau seigneur ne put se libérer envers Jules-Nicolas Duvaucel et, le 15 décembre 1771, deux ans après la vente, une sentence de la Cour des aides autorisa ce dernier à rentrer, par défaut de paiement, dans la pleine propriété et possession de la terre et seigneurie qu'il avait aliénées. Cette rétrocession n'amortissait pas les dettes de l'ancien trésorier des aumônes du roi; contraint de vendre, il dut, le 10 février 1762, subir une perte considérable et céder à messire Joseph-Louis Bidé, marquis de La Grandville, et à dame Thérèse Ducluzel de La Chabrerie, son épouse, la terre de La Norville, non pour la somme énorme de 460,000 livres, mais seulement pour la somme de 376,000 livres(2).

Les nouveaux seigneurs prirent possession de leur terre le 9 juin 1763. Les habitants du village fatigués des nombreux changements survenus depuis la mort du marquis de Péry, crurent alors en des jours meilleurs et à une stabilité plus grande. Ils reçurent avec enthousiasme les nouveaux propriétaires. Le curé de la paroisse et son clergé les introduisirent dans l'église en grande cérémonie, un Te Deum fut chanté et le soir le marquis de La Grandville, charmé de cette réception, fit tirer dans son parc un superbe  feu d'artifice(3).

Les habitants de La Norville avaient lieu, du reste, d'être fiers de leur seigneur. Louis-Joseph Bidé, marquis de La Grandville, en 1763, au moment où il vint se fixer parmi eux, était chevalier de Saint-Louis et brigadier des armées du roi. Il avait fourni une belle carrière militaire et pouvait jouir d'un repos que ses brillants services lui avaient légitimement acquis. Enseigne au régiment de Bourbonnais le 23 juin 1733, lieutenant le 7 septembre suivant, il avait servi la même année au siège de Kehl. Ayant obtenu, le 20 janvier 1734, une compagnie dans le régiment de cavalerie de Bretagne, il la commanda à l'armée du Rhin en 1735, à l'armée de Westphalie en 1741, en Bavière pendant les années 1742 et 1743. Colonel du régiment d'infanterie de Saintonge par commission du 8 juin 1744, il alla le joindre à Bitche où il resta durant toute la campagne. Il eut plus tard l'honneur de monter la garde chez le roi pendant son séjour à Saverne. A l'armée du Bas-Rhin, il commanda son régiment pendant l'hiver de 1744 et le printemps de 1745. Il passa de cette armée dans celle de Flandre, la joignit le 22 juin 1745 et y servit à différents sièges. Ayant combattu à Raucoux en 1746, il passa à l'armée d'Italie au mois de novembre de la même année et contribua à chasser les ennemis de la Provence. Au mois de juillet 1747, il se trouvait à l'attaque des retranchements de l'Assiette. Nommé brigadier par brevet du 10 mai 1748, il servit en cette qualité au camp d'Aimeries en 1755 et quitta le service et son régiment au mois de mai 1759. Il n'était plus en activité de service lorsqu'il acheta la seigneurie de La Norville(4).

Dans ses loisirs, il mit ses soins à régler une suite de différents qui s'étaient élevés entre le régisseur de sa terre et celui du marquisat d'Arpajon. La seigneurie de La Norville avait un certain nombre de fiefs, propriétés et droits seigneuriaux dans la ville même d'Arpajon. Le fief de Marivatz et le fief des Boucheries étaient dans la grande rue; la rue du Clos appartenait presque en entier au marquis de La Grandville; le fief des Granges, dont le lieu se trouvait auprès du moulin Serpier, avait des dépendances dans la rue Fontaine, la rue Morand et la rue Saint-Germain. Le moulin Serpier, sur les glacis de la place et le pré de Paradis, appartenaient au seigneur de La Norville. Le comte de Noailles, duc de Mouchy, ayant acheté le château de La Bretonnière, trouvait encore dans l'enclave de sa justice le moulin de Saint-Germain, le moulin de La Boisselle, le pré de Baraillon, un certain nombre de pièces de terres auprès du parc de La Bretonnière et sur le territoire de Leuville appartenant au même seigneur. Le 1er avril 1772, un accord vint mettre fin aux difficultés nées ou à naître entre les deux parties. Le marquis de La Grandville abandonna au duc de Mouchy tout ce qu'il possédait en terres, maisons, fiefs et droits seigneuriaux dans le marquisat d'Arpajon, sur le territoire de La Bretonnière, alors nommé Arpajon-le-château, et sur le territoire de Leuville. De son côté, le duc de Mouchy céda au seigneur de La Norville 230 arpents environ, tant de terres labourables que de bois, en différentes pièces, principalement au bois des Fourneaux, au bois de Flexainville, aux Grands-Bois et aux Cochets(5).

Cet échange est l'acte d'administration le plus considérable que le marquis de La Grandville fit à La Norville. Bon pour ses vassaux, il fit revivre dans sa seigneurie les vertueux exemples des Choderlot de La Clos et des de Péry. Aussi laissa-t-il d'unanimes regrets lorsqu'au mois de septembre de l'année 1784, il abandonna sa terre et la vendit à Louis-Jacques Baron, écuyer, receveur général des finances du comté de Bourgogne et conseiller à la cour de Besançon.

Le Nouveau seigneur de La Norville sut bientôt conquérir les sympathies de la population. Homme d'excellent conseil, d'une honorabilité parfaite, rompu aux affaires, il fut aussi vite recherché par les seigneurs des environs. Il entra dans l'intimité du maréchal de Castries qui possédait alors le magnifique château d'Ollainville et, quelques années après avoir acheté la terre de La Norville, Louis-Jacques Baron, par une alliance, entra dans la famille de son illustre voisin. De son mariage avec Elisabeth-Adélaïde Alleaume, il avait eu une fille nommée Adélaïde-Marie. Née le 7 juillet 1768, elle épousa Jean-François-Henri-Anne-Louis de La Croix, comte de Castries, de la Branche de Meyrargues. Au moment de l'émigration, le comte de Castries était lieutenant-colonel et chevalier de Saint-Louis. Lorsque la Révolution française éclata, Louis-Jacques Baron fut mis, par le choix des habitants, à la tête de la milice bourgeoise établie dans la paroisse. Au moment de la Terreur, arrêté comme suspect, il fut emmené à Paris et jeté dans les cachots de la Conciergerie. Son château et ses biens furent mis sous séquestre. A la date du 1er prairial an II (20 mai 1794), les fabricants de poudre et salpêtre établis à Arpajon, alors nommé Francval, vinrent au nom du district réquisitionner, au château de La Norville, les instruments utiles à leur fabrication. Ces instruments leur furent délivrés par Denis Montet, gardien des scellés. Les habitants de la commune étaient remplis de sentiments d'estime et d'affection pour leur ancien seigneur. Quelques jours après la réquisition de Francval, outrés de voir porter atteinte aux propriétés dont ils avaient la garde, ils se rassemblèrent et signèrent une pétition pour réclamer l'élargissement de Louis-Jacques Baron, faisant remarquer, suivant la coutume du temps, que ce dernier n'ayant pas de titres de noblesses ne devait être regardé comme suspect et traité comme tel. Jean-Baptiste Avenard et plusieurs autres habitants portèrent cette pétition à la Convention. Mal leur en prit. Ils furent retenus prisonniers à leur tour pour incivisme. La Chute de Robespierre étant arrivée sur ces entrefaites, les prisons furent ouvertes et Louis-Jacques Baron, avec les pétitionnaires de La Norville, fut mis en liberté. Il demeura dans son château pendant le reste de la tourmente révolutionnaire, répandant autour de lui les bons exemples, les bons conseils et de généreux bienfaits. Il mourut le 13 février 1815, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, et fut inhumé près de l'église.

Jean-François-Henri-Anne-Louis de La Croix, comte de Castries, au retour de l'émigration, fut nommé maire de La Norville, le 20 mars 1813, Chevalier de la légion d'honneur, Chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, maréchal de camp des armées, il mourut, le 31 octobre 1817, à l'âge de cinquante-trois ans.

De son mariage avec Adélaide-Marie Baron, il avait eu deux fils : Charles-Eugène-Gabriel-Gaspard-Louis qui mourut, le 13 avril 1789, à l'âge de trois mois et fut inhumé dans le choeur de l'église de La Norville; Eugéne-Gabriel-Hercule, né le 14 avril 1790. Marié à Geneviève-Agathe-Augustine-Aglaé de Séran, il mourut à l'âge de trente-cinq ans, le 4 avril 1825. Adélaïde-Marie Baron survécut à son fils. Après avoir fondé l'école libre de La Norville, en l'année 1826, elle rendit son âme à Dieu, le 25 mai 1833, et fut la dernière de ceux qui avaient été placés à la tête de la seigneurie avant la Révolution de 1789(6).

(1) Archives communales.
(2) Archives du château de La Norville.
(3) Archives communales.
(4) PINARD.
(5) Archives du château de La Norville.
(6) De son mariage avec Aglaé de Séran, le comte Eugène de Castries, ancien secrétaire d'ambassade à Londres, lieutenant-colonel de cavalerie, eut deux filles : Louise-Marie-Gabrielle, mariée en 1828 à Victor-Xavier-Marguerite, marquis de Beaurepaire; Jeanne-Adélaïde-Valentine, mariée en 1832 à César-Corentin-Ferri, vicomte de Choiseul; et un fils, Gaspard-Marie-François-Eugéne, né le 23 février 1816 et marié le 4 juin 1838 à Alix-Marie-Léontine de Saint-George de Vérac, fille d'Olivier de Saint-George, marquis de Vérac et d'Euphémie de Noailles. Le comte Gaspard de Castries posséda le château de La Norville jusqu'en 1869, époque de sa mort. Cette propriété appartient aujourd'hui à sa veuve, Mme la comtesse Gaspard de Castries.

(M.A.J. 21/08/2001)

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